04.10.2011

Rene — Nancy — What the Arab peoples signify to us

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What the Arab peoples signify to us
Jean-Luc Nancy

The Arab peoples are signifying to us that resistance and revolt are with us once again, and that history is moving beyond History. They are doing it, as is appropriate, with all the fortune and misfortune that it involves. At the very least they have sent an irreversible signal whose effects we can expect to see across Africa and in the odious perpetuation of the drama on Canaan’s ancient land. In one of the places where we least expected this revolt to occur, a leader of the gang (officially, of the State) crushes it, ready to liquidate whoever necessary of his supposed people.

Meanwhile, other States strike at their own rebels quite forcefully, sometimes with the help of a powerful Arab neighbour. Benghazi insurgents are asking for help: this is not simple, entailing clear risks, both practical and political. Political responsibility means weighing up and dealing with such circumstances. Is this the time to invoke in pell-mell fashion the collateral risks and suspicion of (more or less) hidden interests, the principles of non-interference and the heavy guilt of a “West” that may, one wonders, include Libya itself, or Saudi Arabia or Syria, not to mention China and Russia?

It is fine for the beautiful souls of the left and the sophisticated operators on the right to sigh or protest; whether in European or in Arab countries: one must know which world we are in. We are no longer just simply in the world of Western arrogance, self-confidence and imperialism. Oh! It is not that the poor old “West” has cleaned up its act: it is simply in the process of melting in the fusion that begets another world, without sunrise or sunset, a world where it is day and night everywhere at the same time and where it is necessary to reinvent the act of living together and, before all else, the act of living itself.

So, yes, it is necessary to keep a close eye on the strikes that are aimed at undermining the vile assassin of the people; sure, it is necessary to strike – him, of course, not the people. We can no longer, with one hand, invoke the sovereignty that, with the other hand, we empty of substance and legitimacy through all the interconnections – the best and worst – of the globalised world [monde mondialisé]. It is up to the people in question and to all others, including us, to ensure then that the oil, financial, and arms dealing game that installed and maintained this puppet (among many others) in power does not start over. It is the responsibility of the peoples, yes: and it is also of course to us, the peoples of Europe or America, that this is addressed.

It is a delicate task. But at stake is what we want to live and how we want to live it, with an acuteness that we are not accustomed to. That is what the Arab peoples are also signifying to us.
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Article first appeared in French in Libération 28 March 2011. This translation by Gilbert Leung. Usual caveats apply. Original Below:
Ce que les peuples arabes nous signifient
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Par JEAN-LUC NANCY Philosophe
Les peuples arabes sont en train de nous signifier que la résistance et la révolte sont à nouveau au rendez-vous, et que l’histoire avance au-delà de l’Histoire. Ils le font, comme de juste, avec tous les bons et les mal-heurs de ces entreprises. Tout au moins ont-ils fait surgir un signal irréversible et dont on peut espérer quelques effets à travers l’Afrique et sur l’odieuse perpétuation du drame de l’ancien pays de Canaan. En un des lieux où on attendait le moins que cette révolte prenne, un chef de bande (officiellement, d’Etat) l’écrase, prêt à liquider tout ce qu’il faudra de son supposé peuple.
Pendant ce temps, d’autres Etats frappent assez fort leurs propres révoltés, parfois avec l’aide d’un puissant voisin arabe. Les insurgés de Benghazi demandent de l’aide : celle-ci n’est pas simple, entraîne des risques évidents, tant pratiques que politiques. Mesurer et affronter ce genre de circonstances relève de la responsabilité politique. Est-ce bien le moment d’invoquer pêle-mêle les risques collatéraux et le soupçon des intérêts (plus ou moins) cachés, les principes de non-ingérence et la lourde culpabilité d’un «Occident» dont on se demande bien si n’en font pas partie la Libye elle-même, l’Arabie Saoudite ou la Syrie, sans parler de la Chine et de la Russie ?
Les belles âmes de gauche et les fines bouches en stratégie de droite ont beau jeu de soupirer ou de protester, que ce soit en Europe ou dans les pays arabes : il faut savoir dans quel monde nous sommes. Nous ne sommes justement plus simplement dans le monde de l’Occident arrogant, sûr de lui et impérialiste. Oh ! ce n’est pas qu’il se soit acheté une conduite, le pauvre «Occident» : il est simplement en train de fondre de la fusion où s’engendre un autre monde, sans lever ni coucher de soleil, un monde où il fait jour et nuit partout en même temps et où il faut réinventer le vivre ensemble et d’abord le vivre tout court.
Alors, oui, il faut contrôler au plus près les frappes destinées à bloquer le sinistre assassin de peuple, mais oui, il faut le frapper – lui, bien sûr et non le peuple. Nous ne pouvons plus invoquer d’une main la souveraineté que de l’autre nous vidons de substance et de légitimité par toutes les interconnexions – les meilleures comme les pires – du monde mondialisé. Au peuple en question et à tous les autres, tous les nôtres, de veiller ensuite à ce que d’autres ou les mêmes ne recommencent pas le jeu pétrolier, financier, armurier, qui avait installé et gardé au pouvoir ce pantin parmi bien d’autres. Aux peuples, oui : et c’est aussi bien sûr à nous, peuples d’Europe ou d’Amérique, que cela s’adresse.
Il est délicat de tenir un pareil cap. Mais c’est ce que nous voulons vivre et comment nous le voulons qui est en jeu, avec une acuité dont nous n’étions pas coutumiers. Voilà ce que les peuples arabes sont aussi en train de nous signifier.